Nutella et grossesse : faut-il vraiment s’en priver ? #
Les envies sucrées pendant la grossesse : comprendre pour mieux gérer #
Une attente enfantine bouleverse tant le corps que l’esprit ; il n’est pas rare que la gestation s’accompagne d’envies soudaines de nourritures sucrées – gaufres fourrées au Nutella à la terrasse d’un café parisien, croissants nappés en matinée, ou crêpes gourmandes au petit-déjeuner.
Selon le Professeur David Khayat, chef du département de cancérologie à la Pitié-Salpêtrière, ces pulsions s’expliquent par une fluctuation hormonale marquée, en particulier de la progestérone et des endorphines, entraînant la montée souvent irrationnelle du désir de sucre.
- Croissance de la leptine et de la ghréline : ces hormones de la faim et de la satiété sont perturbées, poussant à consommer des produits énergétiques comme le Nutella.
- Effet anti-stress immédiat : le sucre active le circuit de la récompense, apportant un apaisement émotionnel, souvent recherché lors de phases d’anxiété prénatale.
- Contexte psycho-social : dans des pays comme la France, la convivialité alimentaire est un pilier social ; la frustration et l’interdit alimentaire risquent d’engendrer du stress et des comportements compulsifs, accentués par la culpabilité, comme le confirment des études menées par le CNRS dès 2016.
Céder occasionnellement à l’envie ne signifie pas négliger la santé ; c’est l’accumulation répétitive et non maîtrisée qui demande notre attention.
Nutella enceinte : risques ou plaisir raisonnable ? #
Les craintes sont légitimes pour celles qui surveillent leur alimentation de près : le Nutella, commercialisé à grande échelle par Ferrero, est-il sans danger pendant la grossesse ? Selon une large majorité des recommandations de gynécologues-obstétriciens, ce produit peut être consommé, mais en quantité limitée.
Absence de risque pathogène : La pâte à tartiner étant constituée d’ingrédients pasteurisés (noisettes, lait écrémé en poudre, cacao maigre), le spectre d’infections alimentaires comme la listériose ou la salmonellose est écarté. Le produit est donc sûr, du moins sur le plan microbiologique.
- Teneur élevée en sucre : une cuillère à soupe représente près de 21g de sucre, ce qui correspond à pratiquement un quart de la dose journalière recommandée par l’OMS pour une femme adulte enceinte.
- Richesse en graisses saturées : avec plus de 10g de matières grasses pour 20g de Nutella, dont une grande part d’huile de palme, le produit augmente le risque de prise de poids excessive et, chez les sujets sensibles, de troubles métaboliques.
En l’absence d’allergies avérées aux noisettes ou au soja, et hors pathologies particulières, il n’existe aucune contre-indication stricte à la dégustation du Nutella durant la grossesse. Cependant, la fréquence et la quantité consommée deviennent le vrai enjeu.
Composition du Nutella : ce que cache la célèbre pâte à tartiner #
Le succès international du Nutella repose sur une formule dont la stabilité a assuré à Ferrero une position dominante sur le marché mondial. Voici l’analyse précise de sa composition en 2024, selon la Fédération Française de Diététique :
- Noisettes : issues d’exploitations certifiées, principalement en Italie (région des Langhe, Piémont) et en Turquie.
- Sucre : raffiné, d’origine principalement européenne (France, Allemagne), représentant plus de 56% de la recette finale.
- Huile de palme : raffinée et désodorisée, utilisée pour la texture onctueuse qui différencie le Nutella des autres pâtes à tartiner, mais souvent critiquée pour son impact environnemental et sa teneur en acides gras saturés.
- Poudre de cacao maigre : d’origine Afrique de l’Ouest, qui apporte l’arôme chocolaté caractéristique et une faible dose de caféine (environ 6mg pour 20g de produit).
- Lait écrémé en poudre : 100% pasteurisé, certifié sans additifs nocifs, garantissant l’absence de risques bactériologiques.
- Lécithine de soja : émulsifiant garantissant l’homogénéité de la pâte.
- Vanilline : arôme de synthèse, utilisé à dose minime.
Les débats sur les phtalates – composants parfois présents dans les emballages alimentaires – ont conduit la Commission Européenne à imposer une réglementation stricte depuis 2018, réduisant fortement le risque d’exposition cumulée, bien que la question reste débattue dans divers rapports toxicologiques. Plusieurs associations, comme UFC-Que Choisir et Foodwatch Europe, surveillent de près cette problématique, tandis que rien n’indique à l’heure actuelle de dépassement des seuils réglementaires pour le Nutella en France.
Modération et alternatives plus équilibrées #
Maîtriser sa consommation de Nutella durant la grossesse exige une approche réfléchie, laissant la place au plaisir sans perdre de vue l’équilibre nutritionnel.
Chaque excès expose à une surcharge calorique non négligeable, à une augmentation du risque de diabète gestationnel et à une prise de poids parfois supérieure aux normes préconisées par les recommandations de l’HAS (Haute Autorité de Santé) en France.
- Déguster le Nutella sur du pain complet – dont l’index glycémique faible atténue l’élévation de la glycémie – et éviter les viennoiseries industrielles cumulant sucres et graisses saturées.
- Limiter la quantité à une portion de 15-20g (soit une fine couche), une à deux fois par semaine.
- Soutenir les filières de pâtes à tartiner alternatives : selon Biofuture, PME française du secteur bio, les produits à base de purée de noisette, sucre de coco et huile de colza rencontrent une progression annuelle de 12% des ventes en magasins spécialisés en 2024.
- Préférer des versions allégées de marques reconnues, comme Poulain, Cémoi ou Jean Hervé, mises sur le marché à la suite de la demande croissante pour des produits sans huile de palme et à faible teneur en sucre (moins de 35g pour 100g).
Nous gagnons en sécurité nutritionnelle à privilégier une consommation occasionnelle, intégrée dans le cadre d’une alimentation variée, où les fruits, céréales complètes, laitages fermentés et protéines maigres tiennent la première place.
L’impact sur la glycémie et la prise de poids : vigilance pour maman et bébé #
L’une des préoccupations majeures concerne la gestion de la glycémie et la limitation du risque de diabète gestationnel. Celui-ci touche selon la Fédération Française des Diabétiques près de 14% des femmes enceintes en 2023 – un chiffre en hausse, en partie à cause de la surconsommation de glucides rapides présents dans les produits transformés comme le Nutella.
- Chaque portion représente un apport direct de glucose, augmentant la charge glycémique et sollicitant le pancréas, déjà fragilisé durant la grossesse.
- Un excès de prise de poids (>16kg pour une grossesse simple selon l’OMS) accroit le risque d’hypertension, de macrosomie fœtale et de complications à l’accouchement.
- Les sucres rapides, tels qu’ils sont présents dans le Nutella, favorisent une succession de pics et de chutes de la glycémie, encourageant les pulsions pour d’autres aliments caloriques à effet « yo-yo ».
- Les recommandations de l’Institut Pasteur invitent à surveiller non seulement la courbe de poids mais aussi la fréquence des apports en aliments à fort index glycémique durant toute la grossesse.
Privilégions une régulation consciente de ce type de plaisir sucré, en intégrant davantage d’aliments à faible densité calorique, riches en fibres et en micro-nutriments (fruits rouges, kiwi, flocons d’avoine, produits laitiers natures non sucrés), pour soutenir le développement optimal du bébé.
Limiter la culpabilité : le plaisir alimentaire sans complexes #
L’émergence de la notion de aliment plaisir est une avancée dans l’accompagnement des femmes enceintes. L’approche prônée par des diététiciens comme Anne-Sophie Nedelec, spécialiste des comportements alimentaires au CHU de Lyon, consiste à privilégier l’écoute de soi et la flexibilité des habitudes, afin d’éviter l’anxiété face à la nourriture.
- L’autorisation d’un plaisir gourmand raisonné permet d’éviter la frustration et les conduites compensatoires, bien identifiées par la Haute Autorité de Santé dans un rapport publié en décembre 2023.
- S’autoriser un moment Nutella lors d’une semaine émotionnellement chargée, ou d’un événement festif, ne remettra pas en cause l’équilibre global d’une alimentation saine et réfléchie.
- Échanger avec des professionnels de santé (gynécologues, diététiciens diplômés) afin d’établir un cadre réaliste pour les écarts sans culpabilité.
Le plaisir alimentaire rend la grossesse plus sereine et favorise une meilleure image de soi – une dimension essentielle dans ce moment clé de la vie. Manger du Nutella avec discernement, loin de tout interdit, permet de privilégier le plaisir sans crainte pour la santé, à condition d’éviter les excès.
Plan de l'article
- Nutella et grossesse : faut-il vraiment s’en priver ?
- Les envies sucrées pendant la grossesse : comprendre pour mieux gérer
- Nutella enceinte : risques ou plaisir raisonnable ?
- Composition du Nutella : ce que cache la célèbre pâte à tartiner
- Modération et alternatives plus équilibrées
- L’impact sur la glycémie et la prise de poids : vigilance pour maman et bébé
- Limiter la culpabilité : le plaisir alimentaire sans complexes